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Olivier Menanteau

Exposition du 23 novembre 2018 au 23 février 2019

Fiji Times-1 © Olivier Menanteau

THE FIJI TIMES

Suva, République des Fidji, Pacifique Sud 2017-2018

Nous étions partis pour comprendre la société fidjienne et son histoire Pour vivre, à notre tour, dans cette société mélanésienne comme l’ont fait les grandes figures de l’anthropologie du Pacifique de Bronilaw Malinowski à Marshall Sahlins…

Comment le cannibalisme, le don de femmes, les royautés, le christianisme, le cargo-cult, le colonialisme, la présence d’une importante communauté Indo-Fidjienne et l’indépendance de 1970 ont posé leur empreinte sur le quotidien et la vie politique d’aujourd’hui ?

Est-ce que l’histoire récente et mouvementée – quatre coups d’Etat (1987(2)-2000-2006), la prise en otage du parlement en mai 2000 – est la conséquence du passé colonial ségrégationniste et paternaliste ou de l’ethno-nationalisme entretenus par les chefferies traditionnelles ?

Ces questions liées aux traditions culturelles et à une « identité nationale » nous concernent en propre comme au figuré. Comment parler de leur versus fidjien ?

Le voyage n’est qu’une façon de composer avec notre vie, il correspond à nos besoins présents.

Voici donc l’histoire d’un artiste qui, grâce à une location trouvée sur Airbnb, va participer à l’ouverture de la première galerie « fine art » dans la capitale, sous la houlette du fils d’une illustre famille fidjienne de Bau.

Fiji Times-3 © Olivier Menanteau

Indigenous Artists

Laissons de côté ce que l’on raconte et écoutons le bruit des vagues qui frappent sur les rochers les nuits de tempêtes. Il convoque notre imaginaire du village.
Nous en avons tous un quelque part, et nous le rêvons volontiers tropical ou oriental.

Intéressons-nous à notre arrivée dans notre famille fidjienne, à notre rencontre avec William qui vit avec moi dans cette belle maison sur les hauteurs de Suva. Il est l’un des descendants d’une famille de Bau dont l’arrière grand-père fut l’historien de cette royauté.

Son père fut ministre et, comme ses oncles, gouverneur de la province de Nausori dans les années 80. Après des études de management, il part vivre abroad et il s’engage dans le régiment d’élite de la Reine Elisabeth II.

Il connut ses guerres fidjiennes, nos guerres: l’Irak et l’Afghanistan. Nous, nous n’en connaissons pas l’odeur.
Précédemment en 1917, le père de la Nation Ratu Sir Lala Sukuna avait fait le Chemin des Dames.

C’est William qui me sollicite pour l’accrochage de la première exposition de sa jeune galerie.
Il s’ensuit un curieux dialogue avec le groupe d’artistes.

Regardons l’un d’eux en particulier: William Bakalevu. Il vit dans son village et peint pour son peuple, sa tribu, son clan, sa famille. Il vend son travail aux Fidji, en Australie et à Hawaï. Il a exposé à l’October Gallery à Londres.

Olivier Menanteau

Fiji Times-2© Olivier Menanteau

A FIJI TIMES’ FILM

Dans son film The Fiji Times, Olivier Menanteau expérimente ses galons de cinéaste, réalisant une oeuvre originale hybride entre cinéma documentaire et œuvre vidéographique.

Durant trente minutes se déroule devant nos yeux un serpentin entrecoupé de lambeaux historiques à propos de l’Histoire des Fiji, avec des inserts qui nous expliquent certains événements et nous rappellent des dates. Le réalisateur qui se fait commentateur et scénariste, l’équipe technique étant réduite à sa plus simple expression, plein d’humour et de recul sur lui même et sur ses actes filmiques, sort des eaux le t-shirt trempé comme Vénus fécondée par Ouranos, pour nous annoncer plus tard qu’un des derniers rois avait mangé huit cent cinquante-trois personnes qui étaient ses ennemis, dernier acte du cannibalisme, qui déclenche notre fou rire à peine refoulé, l’horreur devenant gag anthropologique. Comme durant cette lecture d’un épisode de 1867 où un missionnaire de l’époque, le révérend Thomas Baker, ne déclarait-il pas « je ne redoute pas les indigènes et nous espérons leur apporter du bien », la réponse des habitants village fut de le couper en morceaux à la hache, lui et ses acolytes, et de déclarer, suite à ses propres déclarations : « Nous avons tout mangé à l’exception des bottes ». En effet jusqu’à cette date pas si reculée, l’anthropophagie était naturelle du côté des Fiji, mais convertis à la religion chrétienne, les autochtones ne tardèrent pas à se repentir.

Ce n’est donc pas tant ce que nous apprenons sur l’histoire Fijienne qui nous intéresse dans le film de Menanteau mais la manière dont le cinéaste en herbe nous la dévoile, se mettant souvent en scène de façon presque comique avec ce second degré de l’ironie voltairienne, qui nous renvoie à tous ces documentaires télévisuels où il est de rigueur de se prendre très au sérieux, le micro aux lèvres face caméra, avec un ton dramatique empreint de la morgue de « ceux qui savent ».

Fiji Times-video© Olivier Menanteau

Olivier Menanteau, lui, travaille au second degré, et son film est un pur produit équilibriste de l’amateurisme dans ce qu’il a plus noble : l’amoureux de l’art et du regard sur le monde qui l’entoure. Ici pas d’équipe de tournage : un homme seul, livré à lui même et à ses réflexions, à sa sensibilité, qui abandonne la caméra à ses propres cadrages, qui sont tels que parfois le présentateur opérateur a même la tête coupée hors du cadre et que le son est off, comme provenant de son torse, créant une fois de plus un décalage, un recul chez le spectateur qui, loin d’en être gêné, est au contraire poussé à l’éveil. La distance par rapport au sujet est ce qui marque ses images de leur sceau. Parfois le visage de l’auteur est comme juché ; tout petit à la limite du bas du cadre, il parle, mais notre attention est rivée sur cette étrangeté. Ou bien encore l’image saute, comme si le pied sur lequel était juché l’appareil était bousculé par un autre pied, de chair cette fois ci, maladroit, au moment où il nous montre les habitants de la ville avec le melting pot culturel, fijiens d’origine noirs métissés, indiens et chinois constituant les deux communautés principales. Parfois la luminosité s’emballe et l’exposition passe de la surexposition à la sous-exposition, et loin de nous irriter, ces effets ,dont on se demande s’ils sont vraiment voulus, nous saisissent et renforcent notre intérêt.

C’est comme si Menanteau se mettait à la place de jeunes artistes débutants cinéastes à qui il voudrait transmettre le sens de l’image dans le reportage. Mais ce film ne dérive jamais dans les chemins du reportage, et en cela exemple même du cinéma vérité dans la lignée de Jean Rouch, il présente des situations brutes, telles quelles, jamais mises en scène, spontanées, et la plupart du temps sans les accompagner, les sous ou sur-ligner de commentaires à prétention anthropologique.

Le film s’achève sur une surprenante scène de mise en place d’une exposition, les habitants chez lesquels le réalisateur logeait décidant avant son départ de transformer, sous ses conseils avisés, leur habitation en musée d’art contemporain. Et la dérision qu’on ne peut s’empêcher de ressentir cohabite heureusement avec un élan de sympathie pour ces apprentis galeristes. Un peintre très connu est interviewé et nous révèle les secrets de sa création, qui réside dans la volonté de retrouver les archétypes visuels de sa communauté, en restant un sujet dépendant de sa communauté de sa famille ou de sa tribu. II insiste sur le fait qu’un artiste ne peut s’individualiser qu’en dernier ressort , avec l’invention d’un nouveau style, ce qu’il a fait et qui lui a permis une reconnaissance dans les galeries et manifestations à Londres et dans les pays anglophones.

Il règne alors dans la description du vernissage qui suit un esprit bon enfant, très touchant où l’on voit même l’auteur quitter sa caméra et venir dans le cadre pour déguster un breuvage exotique. Comme dans tous les événements artistiques du monde entier, le directeur des lieux présente ses artistes, qui sont tous habillés avec une chemise « Bula » verte, indiquant bien leur volonté communautaire.

Tout cela, au corps défendant des protagonistes de l’exposition, devient une métaphore du travail de l’artiste européen qui débarque dans d’anciennes colonies, devenues libres pour leur apporter la lumière de l’expérience économique et artistique. C’est là où Menanteau s’en moque. Tous ces acteurs dont lui même, relèvent et participent de son fait d’une critique d’un post-colonialisme culturel, où pourtant les créateurs locaux revendiquent et affirment leur autonomie, tout en reconduisant les stéréotypes du monde de l’art européen.

Gilles Verneret 

THE FIJI TIMES

Olivier Menanteau

Exposition du 23 novembre 2018 au 23 février 2019

Commissariat : Gilles Verneret

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