« L’histoire récente de notre culture est emmaillée de moments sauvages : Dada,Fluxus, la Beat Generation, Zéro, les Punks… Chaque fois, c’est à un esprit de sérieux et à des organisations asphyxiantes qu’il faut faire la peau, une peau rouge et neuve. Le sauvage qui sous-tend de nouvelles formes de créations n’a, pour nous, aucune existence anthropologique, ce n’est même pas un mythe, encore moins une contrée inexplorée. Le sauvage c’est une énergie, une pulsion, une force. Il n’est pas extérieur au « civilisé », à la culture, mais il est une force intérieure qu’il s’agit de libérer, d’exprimer, de mettre sous tension. Aussi, on ne s’étonnera pas que l’exposition « Les Nouveaux Sauvages » se situe au coeur même d’une ville, dans la rouille qui la ronge et le devenir de ses ruines industrielles, dans la friche des Halles du Faubourg. Ses organisateurs partent d’un constat : le verrouillage des habitus culturels, la paralysie des circuits d’exhibition des arts contemporains, et la cloche individualiste étouffant les initiatives… On entend marteler tristement « Il n’y a pas d’alternative » et… c’est peut-être vrai, qu’au fond, nous soyons condamnés à faire avec ce qu’il y a, et que nous ne découvrirons plus jamais ni de hors-lieu ni de hors-temps totalement vierges. Ce qu’il y a, en l’occurrence ici, c’est : un lieu vacant disponible, des structures existantes (des galeries, des centres d’art, des collectifs d’artistes…), des volontés hétérogènes (d’artistes, de commissaires d’exposition, de responsables de structures). Autant de fragments disparates et disjoints, qu’aucune entité? préalable ne réunit en un tout, et dont il s’agit ici d’inventer les relations, avec ce seul ciment : une pulsion sauvage du faire avec, un désir impulsif d’expérimenter, un projet instinctif sans objectif précis. Pour libérer ces forces créatives et anarchiques, « Les Nouveaux Sauvages » se constituent en une tribu éphémère, une société? sans état ni hiérarchie verticale. Une tribu d’artistes et une tribu de structures partageant un même territoire et quelques intentions fortes : expérimenter de nouvelles formes d’expositions, rendre plus accessible au public l’art contemporain, briser ses frontières et ses clans. Ouvrir à sa diversité. »

Jean-Emmanuel Denave