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Nicolas Savary

Tilo Steireif

Exposition du 20 septembre au 30 novembre 2019

©Gabi Huber, Palais fédéral, Berne Série Figures politiques 2007

LE CHOIX DU PEUPLE

La démarche photographique de Nicolas Savary & Tilo Steireif porte sur la représentation du politicien en tant que figure, dans le système politique « de milice », en Suisse.

Cette enquête a débuté en 2005 en s’intéressant aux assemblées des délégués des partis politiques, ces meetings qui dessinent les grands axes thématiques et idéologiques des partis pour les mois à venir. Savary & Steireif se sont attachés à montrer l’hétérogénéité des lieux de réunion et la disposition de chaque parti à rendre ces moments médiatiques.

Dans un deuxième temps, sous le titre de « Kampagne », ils se sont penchés sur la campagne des élections fédérales en octobre 2007 en s’intéressant aux portraits des politiciens sur les affiches électorales avec comme arrière plan le paysage helvétique, dans toute sa banalité.

©Hansheiri Inderkum

De même, une série présente la figure du politique intronisée lors de son accession au pouvoir. Les politiciens fraîchement élus posent pour les agences de presse et les photographes indépendants ou officiels dans le Palais fédéral, ces images servant, tout au long du mandat politique, de support à la communication visuelle des parlementaires. Les photographies mettent en évidence le moment très solennel de l’intronisation médiatique par l’image au moment de l’ouverture de la première session après les élections. Les auteurs ont observé comment les élus sont « habillés » visuellement en une personnalité qui se prétend publique.

Faut-il faire apparaître la simplicité du citoyen ou se mettre en scène pour l’éternité ? Le politicien photographié hésite entre une représentation plus solennelle et celle qui a précédé sa promotion, où il prenait plus volontiers la pose « passe-partout » et humble de l’élu du peuple.

Le volet Kongress a été exposé pour la première fois à la Galerie Basta! à Lausanne en 2006. Kampagne fut montrée en 2007 à Berlin dans une exposition collective à la galerie Substitut (Welschland). L’ensemble du corpus Le choix du peuple, avec le film Figures politiques, a été présenté d’abord au Centre de la Photographie de Genève en 2011, puis en 2012 à la galerie Coalmine de Winthertur (sous le titre allemand « die Wahl des Volkes »). En 2011-2012, le film fut exposé au musée de l’Elysée de Lausanne dans l’exposition (Contre)culture en 2011-2012. La publication Le choix du peuple a été publié aux éditions Gwinzegal dans le cadre de l’exposition Twisting C(r)ash au Bâtiment d’art contemporain de Genève en 2015. Lors de cette exposition fut créée l’installation sculpturale et sonore « Récitation interminable ». Twisting C(r)ash a ensuite été montrée à l’espace Romantso à Athènes en 2016, avec une traduction en grec de l’installation sonore.

©Kampagne 78

Un peuple tranquille

Présenter « Le choix du peuple » de deux artistes suisses, Nicolas Savary et Tilo Steireif, représente une gageure pour le public français car il induit au premier coup d’oeil l’idée que le politique aurait une valeur universelle, ce qui n’est pas le cas. Chaque démocratie, et même dans l’Europe d’aujourd’hui, possède ses caractéristiques et donc son rapport au peuple particulier. Seul peut-être, comme l’écrit Bakounine, le désir de prospérité matérielle et de confort réunit tous les peuples de la terre.

« Le peuple en Suisse comme partout, veut nécessairement deux choses : la plus grande prospérité matérielle possible, avec la plus grande liberté d’existence de mouvement et d’action pour lui-même ; c’est à dire la meilleure organisation de ses intérêts économiques et l’absence complète de tout pouvoir, de toute organisation politique, puisque toute organisation politique aboutit fatalement à la négation de la liberté. Tel est le fond de tout instinct populaire. »

Michel Bakounine Les ours de Berne et l’ours de Saint-Petersbourg

 

Le travail de Savary et de Steireif s’étale sur trois années 2005, 2006 et 2007, et est divisé en trois parties : « Kampagne » qui inscrit les affiches publicitaires des portraits des hommes et femmes politiques dans le paysage suisse ; « Figures politiques » qui met en abyme ces mêmes portraits, mais cette fois-ci dans la réalité de la prise de vue en studio, personnalités saisies dans la pose de circonstance ; et enfin « Kongress », où les photographes se sont rendus sur les lieux de réunion, de meetings, photographiant les participants dans le public et les à-côtés de ces évènements : coulisses, préparation, pauses, etc.

L’ensemble, accompagné d’enregistrements sonores de « morceaux choisis » de discours d’élus, dresse un portrait convaincant et sans concession du monde politique suisse sur la place publique ; dévoilant sa face cachée derrière l’image médiatique conventionnelle, tout en conservant ses codes : description la plus objective et la plus neutre possible qui, sans recourir à la fiction ou à l’anecdote, se cantonne dans une vision distanciée, non dénuée d’une certaine ironie.

La politique en Suisse comme dans toutes les démocraties européennes, est conditionnée par son histoire, qui met en avant le consensus social entre les élus et leurs administrés, caractérisée par une démocratie semi-directe où la neutralité en politique extérieure relève d’un statut mythique, ainsi que la possibilité pour les multiples communautés linguistiques et religieuses de s’exprimer dans des référendums ou des initiatives populaires. Rien à voir donc, avec la monarchie républicaine française bercée par les privilèges de ses élites dominantes, où le peuple n’a que l’illusion d’une participation à la gestion de la cité, qu’on ne lui accorde parcimonieusement qu’aux consultations électorales, le temps d’un vote furtif qui clôt ensuite tout véritable dialogue, jusqu’aux prochaines élections…

©Kongress 200

La Suisse se présente comme un état fédéral qui comporte trois niveaux politiques : la confédération des états fédérés, les 26 cantons, ces derniers étant subdivisés en communes au nombre de 255. Chaque niveau est autonome et possède un rôle dans l’administration de l’espace géographique qui lui est dévolu, et respecte donc la séparation des pouvoirs. L’éducation, les hôpitaux, l’entretien des routes et la fiscalité sont gérés par les cantons. L’autonomie des communes est sous la responsabilité du pouvoir fédéral et des cantons et s’occupe de la gestion locale.

Le gouvernement suisse nommé « conseil fédéral » est constitué d’un collège de sept membres élus par le parlement. Le parlement de 246 membres est élu par le peuple. Ce parlement est constitué par les membres élus, des quinze partis politiques, assez stables dans leur représentativité et leur organisation. Il n’ y a pas de capitale au sens traditionnel, Berne n’étant que le centre administratif du pays.

Et l’on retrouve ce « droit du peuple », sujet de l’exposition, dans les décisions du conseil national avec ses représentants élus au suffrage universel proportionnel. Au sein du parlement, ce conseil national légifère en accord étroit avec le conseil des états de 46 députés nommés par les cantons.

Le pouvoir exécutif est exercé par le conseil fédéral des sept membres élus pour quatre ans.

Tout semble bien fonctionner comme un mécanisme d’horlogerie dans ce petit pays tranquille, qui transpire l’ordre et la propreté, et Savary et Steireif y introduisent à peine un petit grain de sable de la trop bonne conscience anonyme qui habite les citoyens.

Ils leur renvoient le miroir policé d’une société « où la figure du pouvoir et l’expression de la force passent mal ».
Mais que cache cette banalité ambiante que l’on ressent en déambulant dans ce parcours d’images ? Un consensus mou ? Une façade confortante qui étouffe les conflits ? Et nous rappelle à cet anonymat de l’homme citoyen lambda, qui comme presque tout le monde, doit faire bonne figure d’élu de la fédération helvétique et proclamer le protocole et la convention comme programme affiché.

« Les campagnes d’affichage dissocient la plupart du temps les portraits des propositions politiques. Le postulant est un bon soldat du parti, il affirmera le protocole, votera des assemblées des délégués et montrera, dans sa campagne électorale, le visage du peuple. »

Nicolas Savary & Tilo Steireif

 

Le peuple doit se retrouver dans le visage de ses représentants, s’identifier à leurs discours muets, affirmer son opposition douce.

« …tout est simple, la complexité des affaires de l’état se dissout dans l’accumulation des propositions votées par le peuple et en parallèle, les élus locaux s’affichent, se montrent non élitistes, non experts. »

Gilles Verneret, directeur artistique

LE CHOIX DU PEUPLE

Nicolas Savary

Tilo Steireif

Exposition du 20 septembre au 30 novembre 2020

Commissariat : Gilles Verneret

Exposition en résonance de la Biennale de Lyon 2019 

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