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Marina Ballo Charmet

Exposition du 16 mars au 02 juin 2018

Primo campo, Senza titolo #4, 2001 © Marina Ballo Charmet

AU BORD DE LA VUE

« L’espace du sentir est à l’espace de la perception ce que le paysage est à la géographie. » Erwin Straus, Du sens des sens, 1935.

L’exposition rassemble une vingtaine d’œuvres de Marina Ballo Charmet, qui donnent une vision d’ensemble de son travail depuis trente ans : les paysages terrestres, fluviaux et maritimes de la fin des années 1980 ; les ensembles des années 1990 dans lesquels l’œuvre a trouvé son ampleur (Rumore di fondo [Bruit de fond] et Con la coda dell’occhio [Du coin de l’œil]) ; deux vidéos du tournant des années 2000, qui poursuivent l’ex- périence de mobilité du regard et débouchent sur un autre ensemble impor- tant, Primo campo [Premier champ] en 2001-2003. Sont également présen- tées quelques images de Il parco (2006-2008), assemblées en « paires ». Des vues prises dans une vingtaine de parcs publics en Europe et à New York constituent un espace générique et composite, « le parc », espace urbain « autre », dont l’artiste observe les usages variés. Enfin, un groupe d’images récentes, photographiques (Autour du Péloponnèse, 2013- 2015 et Giudecca, 2017) et vidéo (L’alba [L’aube], 2015) complètent une collection de « paysages » regroupant vues et fragments, sites et corps. L’orientation lyrique apparue dès les premières images trouve ici une forme accomplie, qui fait communiquer des effets de champ lumineux, une pulsation colorée, avec une imagerie archéologique.

Rumore di fondo, Senza titolo #5, 1995 © Marina Ballo Charmet

Ballo Charmet utilise la photographie comme un outil d’expérience et un instrument de connaissance. Son travail se situe hors de l’alter- native description/fiction qui détermine une grande part de la produc- tion photographique contemporaine. Elle définit l’objet premier de sa recherche comme « un déplacement du cadre au champ ». Elle s’intéresse à l’expérience d’un tact visuel qui précède la saisie de l’objet identifié (désigné, nommé).

Son premier motif fut le littoral : lieu de rencontre de la terre, du ciel et de la mer. Sa manière de voir s’est ensuite définie comme le parcours et l’épreuve de surfaces accidentées, comme la perception tâtonnante d’un volume enveloppant. En toute circonstance, elle introduit dans la description photographique une méthode d’approche distincte des voies de la connaissance distante comme des mécanismes de l’appropriation esthé- tique.

Delta del po, 1989 © Marina Ballo Charmet

Son parti pris s’apparente aux recherches de Raoul Hausmann sur la vision rapprochée et périphérique. Comme lui, elle récuse l’anthropocentrisme d’une description « exacte » et soi-disant objective. On peut citer par exemple cette note d’Hausmann en 1921 : « Dans un monde où nous n’au- rions plus besoin d’être des dominateurs par peur, nous n’oserions plus imposer notre petit ego corporel comme juge optique des réalités spirituelles d’un monde qui n’est pas composé de limites corporelles. Nous ne pouvons pas être des photographes oppresseurs, mais des émotionnés ! […] La vision, quand elle est créatrice, est la configuration des tensions et distensions des relations essentielles d’un corps, que ce soit homme, bête, plante, pierre, machine, partie ou entité, grand ou petit : elle n’est jamais le centre froidement et mécaniquement vu. » (Raoul Hausmann, « Nous ne sommes pas des photographes », 1921)

Le regard n’est plus une prise à distance mais un mode de participation, psychique autant que physiologique. Le regard n’est plus captateur, mais capté : attiré, attrapé, saisi. Marina Ballo Charmet s’est toujours intéressée aux mouvements inconscients de la vue, aux tropismes excentriques du regard : tout se passe d’abord pour elle au bord de la vue. Avec Primo campo, la vision dite « périphérique » est entrée dans le cadre du portrait ; l’œil photographique divague à la surface des corps.

Il parco, New York, Central Park © Marina Ballo Charmet

Les images, de format variable, font appel à des registres (sinon des genres) distants, mais reliés dans un réseau d’analogies et de récurrences. Le grand format n’est pas le vecteur d’une photogénie descriptive et spectaculaire. La description passe plutôt dans le petit format. D’un ensemble à l’autre, l’image, statique ou animée, est le lieu d’une inti- mité expérimentale, indéfinie ; la dimension de l’intime se donne sans béquille autobiographique, au plus près des sensations ou du « sentir » (pour reprendre le terme d’Erwin Straus).

Dans Con la coda dell’occhio, la proximité correspond à une vision ra- baissée à ras de terre. Tout ce qui faisait une ville et les qualités d’un paysage urbain a disparu. Reste le socle d’un territoire urbain fragmenté. Dans les parcs comme dans la rue, la passante hallucinée se meut, évolue at land, comme on dit at sea, en mer. Ce glissement de la terre à la mer est apparu dans le titre du premier film de Maya Deren, en 1944. Les images de Marina Ballo Charmet ont cette dimension océanique de la navigation dans les villes, parmi les corps.

Jean-François Chevrier

AU BORD DE LA VUE

Marina Bello Charmet

Exposition du 16 mars 2018 au 02 juin 2018

Commissariat : Jean-François Chevrier

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