Philippe Bazin & Christiane Vollaire
a laissé sa place au capteur électronique qui délivre une image formée de pixels, petits carrés de couleur.
A proprement parler, l’image numérique n’est pas une photographie, bien que le résultat sur le papier soit identique.
Et ce n’est sans doute pas un hasard mais un effet de la synchronicité si les photographes, qui se définissaient alors comme des artisans créateurs, ont délaissé leur pratique traditionnelle pour se revendiquer artistes plasticiens. Terme qu’ils préfèrent à celui de «photographe», voulant l’englober dans le domaine plus large de l’image. Et donc de ce fait,
la photographie s’est retrouvée absorbée par l’image généraliste et son discours. Roland Barthes dans sa chambre claire rangé dans l’histoire auprès des “has been“, Jeff Wall et son postulat «near documentary» prenant le relais dans l’enseignement des écoles d’art et des universitaires.
L’image, revendiquant alors de plus en plus voracité, s’est donc ensuite tournée vers le discours, devenant un concept englobant d’approche du monde elle a rejoint le texte au travers des sciences sociales, sociologie, ethnologie, philosophie, histoire, etc. Pour qu’à ses propres yeux la photographie ne soit plus limitée au statut d’art pauvre mais d’art moyen dans les pas de Bourguedieu, nécessitant une compréhension intellectuelle, ne pouvant plus se contenter de montrer et de décrire le monde avec ses uniques moyens visuels, elle s’est octroyée ainsi de la crédibilité aux côtés de ces sciences de l’esprit et des universités... Mais ces dernières, en devenant partenaires des images, ont endossé le statut sérieux d’il- lustration, de commentaire, de ces nouvelles images soudain réhaussées (comme le design l’est pour l’art), perdant de ce fait leur valeur créatrice de formes.
L’artiste plasticien photographe s’est peu à peu transformé en ce que je nomme “commis sociétal“, portant le lourd privilège de rendre une interprétation complète du monde, revendiquée dans une «weltschaung» qui ne soit pas réduite à de simples photographies de papier, devenues obsolètes au sein de ce protocole discursif.
C’est à partir de ces réflexions qu’est né — entre autres — le désir de montrer Philippe Bazin et Christiane Vollaire avec Pierre Vallet, oeuvres si différentes dans leur esthétique, le premier ayant traversé tout le parcours de la photographie argentique classique à l’image numérique pensante, engendrant une confrontation riche en interprétations pour le public sur l’état de cet art documentaire très à la mode de nos jours et en constante évolution.